Cinq conditions pour une transmission d’entreprise réussie
La transmission d’entreprise constitue une étape critique à la fois pour le vendeur, pour l’acheteur et pour l’entreprise elle-même. Découvrez les cinq leviers qui facilitent l’opération.
Le Pacte Dutreil, facilitant la transmission d’entreprise, a vingt ans. L’occasion de s’interroger sur les facteurs contribuant à la relève générationnelle. C’est ce qu’ont fait le METI1 et KPMG en auscultant les 5 400 ETI françaises2.
Sujet important : près de 800 000 entreprises, soit plus d’un tiers, vont devoir changer de main dans les quinze années qui viennent3.
Voici les 5 conditions pour réussir la transmission de votre entreprise.
- Une longue préparation
- L’actualisation préalable des ressources stratégiques
- Un projet de création de valeur mûri avant la transmission
- Une évaluation juste
- Un encadrement juridique adapté
1. Une longue préparation pour une transmission d’entreprise fluide
Six à dix ans. C’est la durée moyenne pour une transmission d’entreprise réussie selon l’étude conduite auprès de 87 dirigeants d’ETI.
Pourquoi est-ce si long ? Pour des raisons à la fois techniques et humaines. Côté technique, c’est la délicatesse de l’approche juridique et fiscale qui est mise en avant. Pour les enjeux humains, personne ne sera étonné par la minutie indispensable des réglages relationnels.
En effet, transmettre une entreprise, dans la famille ou en dehors, c’est transmettre une mécanique fragile. Et pour que les codes passent d’une main à l’autre sans perturber l’activité de l’entreprise, il faut du temps.
Du temps pour :
- Étudier les modalités possibles de transmission et identifier les profils souhaitables
- Convaincre et se convaincre de la compatibilité émotionnelle entre le vendeur et son successeur
- S’approprier les fondamentaux de performance globale et les équilibres de la société
- Nouer les relations indispensables avec les parties prenantes les plus influentes
Le temps de préparation peut inclure de la formation. Pour une transmission d’entreprise intrafamiliale, « 70 % des dirigeants indiquent avoir choisi leur formation dans cette perspective2 ». Ce temps inclut aussi le plus souvent une période de double commande. Le cédant et le repreneur travaillent ensemble à la tête de l’entreprise pendant une période suffisante pour organiser la fluidité.
2. L’actualisation préalable des ressources stratégiques
Une transmission d’entreprise réussie suppose une structuration forte des facteurs de succès avant le changement de pilotage. Ou pour dire les choses autrement : le plus simple pour compromettre une passation fluide est de cesser d’investir avant la transmission.
Une cession, intrafamiliale ou non, fait entrer l’entreprise dans une période d’incertitude. Quelques mois seront nécessaires au repreneur pour s’affirmer dans son leadership. Lui permettre de prendre ses marques en bénéficiant d’une base solide est aussi au service de la durabilité.
En particulier, l’ERP de l’entreprise constitue un actif à actualiser en priorité. En effet, l’ERP représente :
- La colonne vertébrale
- Le système nerveux
Double bonne raison de monter en version !
Nanni est le spécialiste mondial de la marinisation de moteurs d’engins. L’entreprise adapte sur le bassin d’Arcachon les modèles de Scania, MAN, Kubota, Toyota ou encore John Deere. Quand Amalia Festa, présidente de Nanni, envisage sa succession, voici ce qu’elle déclare. « Un fort investissement dans l’actualisation des équipements de gestion fait partie du projet de mise à niveau de l’entreprise. Une fois achevée et pleinement assimilée dans notre fonctionnement collectif, la migration de Sage X3 vers sa dernière version constituera un puissant levier pour que l’aventure se poursuive en toute sérénité ».
3. Un projet de création de valeur mûri avant la transmission d’entreprise
Une transmission d’entreprise est forcément un nouveau départ. Il ne s’agit pas ici de la nouvelle dimension prise par le repreneur mais du destin de l’entreprise. En effet, nouvelle génération et nouvelle personnalité ouvrent la porte à une rupture stratégique.
Rien de forcément révolutionnaire mais une inflexion dans le cours de l’activité. La transmission peut être l’occasion de :
- Accélérer dans l’adoption de nouvelles réglementations et en faire des atouts : facture électronique, CSRD, décarbonation…
- Provoquer une transformation forte de la relation clients et des services associés
- Intégrer de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle ou la robotique industrielle
- Aborder de nouveaux marchés, à l’international et/ou à travers des diversifications
De ce fait, la transmission n’est plus seulement un événement patrimonial. Elle prend toute la mesure de la nécessaire régénération périodique des entreprises. Nouvelle direction et nouveaux projets produisent alors l’entraînement indispensable pour aller plus loin.
À la clef, nous dit l’étude METI/KPMG2, « création d’emplois, croissance du chiffre d’affaires ou développement international ». Aucune magie, mais une occasion saisie de réinventer l’activité à l’aune des attentes du moment. Des clients, des salariés et finalement de toute la société.
4. Une évaluation juste pour une transmission d’entreprise sereine
Bien évaluer, c’est d’abord circonscrire avec précision le périmètre qui passe du cédant au repreneur.
Ce peut être, par exemple :
- Des parts sociales de SARL
- Des actions de SAS
- Un fonds de commerce
- Des actifs : machines, bâtiments, clientèle…
Trois types de méthodes d’évaluation sont disponibles pour accompagner une transmission d’entreprise :
- L’évaluation patrimoniale, différence entre la valeur des actifs cédés et le total de l’endettement.
- L’évaluation comparative, qui s’appuie sur des données de cession référentes.
- L’évaluation de rendement, centrée sur la rentabilité future raisonnablement espérée.
Ces trois approches recouvrent des angles complémentaires. Leurs pertinences respectives dépendent des points de vue. Par exemple, une entreprise qui aura beaucoup investi pour actualiser ses ressources sera pénalisée par l’approche patrimoniale (endettement élevé). Et au contraire avantagée, du point de vue du cédant, par l’évaluation de rendement.
Le rôle de l’expert-comptable dans la transmission d’entreprise est de faire converger les approches. Ainsi, un prix d’équilibre résultant de la synthèse des points de vue rémunère le cédant sans plomber le repreneur.
5. La sécurisation d’un encadrement juridique adapté
Même s’il ne résout pas tout, le Pacte Dutreil apporte depuis vingt ans un contexte amélioré. 90 % des dirigeants d’ETI interrogés y ont d’ailleurs eu recours dans le cadre de leur transmission d’entreprise2.
Souvenons-nous de la situation d’avant, où l’on estime que sept cents fleurons familiaux furent cédés dans de mauvaises conditions. De mauvaises conditions, c’est-à-dire qu’ils furent absorbés ou pire démembrés, au détriment de la dynamique industrielle de notre pays. Car le Pacte Dutreil, s’il protège la transmission intrafamiliale, favorise surtout la perpétuation d’activités prometteuses. Et même leur régénération, comme évoqué au paragraphe précédent.
Pour autant, le diable est dans le détail. Valorisation, création d’une holding, clarification de l’organisation, séparation des activités : l’approche financière et juridique est déterminante au cours de la phase de préparation. Et explique d’ailleurs une partie de la durée qu’elle réclame. Beaucoup reste sans doute à inventer, y compris du côté de l’État, pour favoriser la transmission des entreprises familiales.
En conclusion, le chemin critique de la transmission d’entreprise exploré dans le contexte des ETI peut être généralisé aux TPE/PME. Du côté du vendeur, l’enjeu de la préservation de son patrimoine est universel. Pour celui qui reçoit, la capacité à inaugurer son mandat par une réinvention est tout aussi important. Et pour le tissu économique national, une transition sans à-coups relève évidemment de l’intérêt général.
Trait d’union entre l’histoire qui commence et celle qui s’achève, un système d’information robuste est une garantie. C’est vrai pour toutes les transmissions d’entreprise.
1Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire
2ETI La relève ; KPMG en France/METI ; mars 2023
3Conseil national de l’ordre des experts-comptables ; mai 2024
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